Super Tuesday
Tout avait pourtant commencé normalement : réveillée à 6 h 59 par la jolie voix d'Ali Baddou sur France Culture, j'étais partie bosser. Là, le ciel m'est tombé sur la tête. Un sms assassin qui me transperce le coeur. S'ensuit une conversation téléphonique, moi accroupie dans un coin de bureau, qui me laisse vidée, aussi efficacement que le virus qui titille mon ventre depuis la veille. J'envoie un mail de détresse, je serre la main de mon boss dans un semi-brouillard où je ne détecte que son costard beige et son écharpe mille-raies négligemment posée sur son épaule. Trop mal, je rentre chez moi. Là je m'échoue sur le sofa, Benjamin Biolay en boucle et haut les coeurs ! J'inonde mon petit monde de sms désespérés et j'attends. Les heures passent, le disque repasse. Je ne comprends rien mais j'agis. La semaine à l'envers finit demain avec le retour des enfants, je dois assurer. Je pars faire quelques courses, m'arrête au rayon des vins, ce Pessac Léognan va m'aider, j'en suis sûre. Je le boierai en la meilleure compagnie qui soit, celle du destinataire du mail de détresse du matin. Lui, s'il n'est pas mon nord, mon sud, mon est, mon ouest, il est mon bô miroir : les yeux cernés, le teint brouillé, je peux lui demander "dis-moi qui est la plus belle" je sais toujours ce qu'il répondra. Le vin but, il partira retrouver sa princesse. Il fait partie des maris, qui au bout de 20 ans n'ont pas tué le prince charmant. Je retourne à mes ombres, maintenant celle de Bashung. Je ris, je pleure, je danse, ça va mieux. Encore un appel, encore un ami et sa voix quelque part entre le pays basque et bordeaux me bercera un long moment. Il est minuit trente trois, je referme la lucarne sur les beaux yeux de Frédéric Taddei et m'endors comme un bb. J'ai soigné le mal par le mal (le mâle ?), toutes ses voix et ses visages triés sur le volet pour oublier celui qui m'a griffée. Mercredi 6 février - Bonjour, il est 6 h 59 et vous êtes en direct sur France Culture. Bonjour Ali et bonjour à tous.