le langage des cygnes
Comment dire, je n'ai pas été collée à mon siège, je n'ai pas détourné le regard, je n'ai pas été choquée, dérangée par la folie qui habite crescendo Nina. Les ficelles du scénario sont un peu grosses. Par contre, j'ai été subjuguée par la performance de Natalie Portman, par la chair de poule XXL qui couvre son corps quand elle est le cygne noir, par son dos maigre et musclé où nerfs et muscles dessinent la naissance des ailes. Elle est la reine des cygnes jusqu'aux soubresauts qui animent son écharpe en fibres vaporeuses, blanches comme des plumes, quand elle trace dans le métro. J'ai encore en tête le tap tap des chaussons sur la scène, le froissement des étoffes, le souffle court de la danseuse à bout de souffle. Daren Aronofsky fait merveille quand il filme le travail de cette compagnie où les mâles sont réduits soit au rôle de frenchy coq d'une basse-cour sous pression, soit à des jambes et des bras qui soulèvent les danseuses jusqu'aux cintres. Mais la musique de Tchaïkovski, cet air du lac des cygnes tellement entendu, je l'associe aujourd'hui plus volontiers aux moines de Tibhirine (des hommes et des dieux) lors de cette scène époustouflante où la menace de leur mort prochaine, toute de nuance et de force envahit l'écran, plutôt qu'au thriller poussif à la fin archi attendue qui se clôture sur un lit de plumes...