les soldes, le cornet de glace et le film
Je n'aime pas faire les boutiques, je n'y ai jamais trouvé de plaisir. Dans l'idéal, je tolérerais une vendeuse attitrée qui déplacerait jusqu'à ma cabine tous les vêtements possibles et imaginables susceptibles de satisfaire mes goûts et ma plastique. Alors je veux bien accompagner les autres, mais ne me parlez pas de choisir, parmi les portants surchargés cette année d'une multitude écoeurante de marinières déclinées à toutes les sauces, une nouvelle pièce pour ma garde-robe... J'ai trouvé hier un fauteuil dans lequel j'ai attendu que mon amie finisse son tour de piste.
J'ai fait d'autres soldes, celles du magasin de bricolage.... Je fuis ces lieux comme la peste mais la future garçonnière de Monsieur Lu a besoin d'un plancher flottant, article qui profite lui aussi de la grande braderie d'été... Comme les enfants que l'on a parfois besoin d'appater à coup de friandise, je me suis offert un cornet vanille/chocolat pour supporter cette épreuve... Rondement menée d'ailleurs et qui m'a permis de tolérer en prime l'épreuve du devis pour la fenêtre...
Mais mon élan venait d'ailleurs. Je savais que ma soirée se déroulerait à l'ombre d'une salle obscure. Je suis allée voir "Tournée" le film de Mathieu Amalric qui a reçu le prix de la mise en scène à Cannes. Et je suis partie avec lui. Il a beau être un looser, mesquin, méchant, maladroit avec ses enfants, il déborde d'amour pour les filles de sa troupe de new burlesque, envahit par leur générosité, leurs rondeurs voluptueuses. Il est happé par leur bonne humeur, leur grace, enveloppé par leur charme, transformé par la joie de vivre qu'elles distillent. Plus le film avance, plus il s'empêtre mais ses liens sont en barbapapa, chauds et sucrés. Des plans qui mettent en exergue le génie de mon chouchou du cinéma français, de la fluidité, du noir, de la poésie. On pense à Cassavettes, à Wenders. C'est un film audacieux, plein de tendresse et de liberté à travers un portrait tragi-comique de ce producteur en fin de course. Un vilain petit canard sauvé par les plus voluptueuses poules d'une basse-cour nomade où le champagne et les paillettes dissimulent les rats qui courent dans le noir.